VIVRE SA VIE (VERSION RESTAURÉE)

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Jean-Luc Godard a 31 ans en septembre 1962, lorsque sort à Paris Vivre sa vie : Film en douze tableaux : pour le public, son troisième long métrage, en fait son quatrième. En effet, entre A bout de souffle, sorti en mars 1960 et Un femme est une femme, sorti en septembre 1961, il avait réalisé le Petit soldat, qui ne sortira qu’en janvier 1963, pour cause de censure mécontente.

Dans ces deux films brillaient déjà une très jeune comédienne danoise, arrivée en France à vingt ans à peine : Anna Karina. En plus des films tournés avec Godard – son mari de 61 à 67 –, on l’avait notamment vue en débutante espérant décrocher le rôle principal d’une comédie musicale dans Ce soir ou jamais, le deuxième film de Michel Deville. Dans Vivre sa vie – à l’époque interdit aux moins de 18 ans –, elle est Nana, l’employée d’un disquaire que la dureté des temps va amener à se prostituer, occasionnellement d’abord, professionnellement ensuite.

Au cours de son chemin de croix, divisé en douze tableaux, elle quittera son compagnon – incarné par André S. Labarthe, encore critique aux Cahiers du cinéma et bientôt coproducteur de la mythique émission Cinéaste de notre temps –, et elle tombera sous le charme d’un proxénète – Sady Rebbot, pas encore le Papa Poule de la célèbre série des années 80. Présenté à Venise quelques jours avant sa sortie parisienne, le film que vous allez voir y reçut le Prix spécial du Jury et le prix de la critique.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BELLE DE JOUR (1967) (Pour d’autres raisons, Séverine (Catherine Deneuve) va fréquenter la maison de Madame Anaïs où, pour les clients, elle sera Belle de jour.) ou encore JEUNE et JOLIE (2013) (Autre vision de la prostitution, une cinquantaine d’années plus tard...).

Un jour, Jean-Luc Godard alla voir le producteur de ses premiers courts-métrage, Pierre Braunberger – qui avait fait ses débuts dans les années 1920 avec Jean Renoir – et lui proposa de produire son prochain film, qu’il imaginait dans le style des Onze fioretti de François d’Assise – œuvre de Roberto Rossellini au succès plus que modeste ! L’avisé producteur ne fut donc pas immédiatement enthousiaste ! Mais, la nuit portant conseil, il le rappela très vite et lui proposa de faire son film à la manière de Rossellini s’il le souhaitait, mais sur un thème censé titiller l’intérêt du public : la prostitution. « Très bonne idée », répondit Godard !

C’est ainsi que Vivre sa vie sortit en septembre 1962, précédé d’une série d’encarts publicitaires annonçant, je cite : « Un film sur la prostitution, qui raconte comment une jeune et jolie vendeuse parisienne donne son corps mais garde son âme, alors qu’elle traverse [...] une série d’aventures qui lui font connaître tous les sentiments humains [...], filmés par Jean-Luc Godard et joués par Anna Karina. » C’est Georges Cravenne, futur concepteur des Césars, qui avait imaginé la promotion de ce film qui, d’après son producteur lui-même, n’avait pas coûté grand-chose, « à peine 400.000 francs », et en avait rapporté « dix fois plus » ! Bien qu’il n’ait jamais retravaillé avec Godard, Pierre Braunberger, en 1983, déclara à son propos : « C’est lui qui a changé le langage cinématographique. C’est son nom qui restera le plus important ; peut-être même plus que celui de Jean Renoir ! »

Face à la presse, qui s’intéresse beaucoup à lui, Godard explique notamment : « J’ai essayé de filmer une pensée en marche, l’intérieur de quelqu’un, mais vu du dehors. » Il annonce, également, son prochain film, interprété par Samy Frey, Charles Denner et Michel Piccoli : Pour Lucrèce, d’après la dernière pièce de Giraudoux – projet finalement abandonné au profit des Carabiniers. Pendant ce temps, alors que ses amis des Cahiers du cinéma évoquent, comme l’écrit Jean Douchet, un « pur chef-d’œuvre » qu’ils dissèquent à longueur de colonnes dans les numéros d’octobre, novembre et décembre 1962, Robert Benayoun, dans la revue Positif, s’insurge : « Vivre sa vie est une niaiserie de mascarille, un exercice de vulgarité crasse à l’adresse des snobs ». De son côté, la prude (mais honnête !) Centrale Catholique du Film prévient : « Le sujet appelle des réserves [mais], rarement la condition cruelle de la prostituée a été exposée avec plus de tact. »

Nana. Le magasin de disques, Nana vit sa vie. Le Concierge, Jeanne d'arc, impasse. La police, interrogatoire. Le premier homme. La Chambre. Raoul, encore Raoul. Les Après-Midi, l'argent. Un jeune homme, Luigi. Nana se demande si elle est heureuse. Un type. Le bonheur n'est pas ...

Le cinéma de Jean-Luc Godard est habité par, selon moi, deux obsessions : d’un côté, la défaite du langage face à l’évanescence des sentiments ; et de l’autre, le besoin de détachement né de la lassitude de la vie sociale. On pourrait y ajouter le sentiment profond ...

Vivre sa vie : film en douze tableaux est comme son titre l'indique un tableau, enfin plusieurs d'après le titre mais comme un tableau Godard dépeint la beauté et la tristesse de la vie, celle d'une femme forcée malgré elle a se prostituer pour survivre en ces temps difficiles ...